Voilà donc, pour clore un temps le sujet, la dernière partie laborieusement abordé par votre serviteur de ce sujet qu’est la BD de collection et sa bible-argus, le BDM.
Car l’aspect le plus sensible du rapport entre le BDM et son objet de cotation est la notion d’état.
En effet, la tendance de ces dernières années est l' »état neuf » à tout(et tous) prix, c’est à dire l’exigence pour l’objet convoité d’être obtenu dans un état de conservation tel qu’on puisse le croire imprimé 2 heures plus tôt…même s’il date des années 30, ou même de la fin du 19ème siecle. Bien sûr tous les collectionneurs ne sont pas aussi exclusifs, et les plus radicaux sont bien souvent des nouveaux collectionneurs (ayant débuté leur collection fin des année 90 ou après 2000); mais la tendance est là et la valeur des ouvrages ne peut plus être déterminée comme avant.
Le BDM a tenté de s’adapter à ce changement, en ajoutant à sa grille de barêmes des indications relatives à l’état de tel ou tel ouvrage précis (facteur multiplicateur en cas d’état neuf, valeur indiquée pour un état neuf uniquement…). Pourtant le doute subsiste : cet album-ci méritait-il sa cote, ou moins (ou plus)? Cet album-là est un peu abîmé ça et là mais est notoirement fragile…que vaut-il?
Les deux refuges se présentent simplement : acheter à l’état neuf, quel que soit le prix ou presque, ou, dans le doute, faire une affaire telle que l’on soit sûr de ne pas se tromper, ce qui signifie ne presque rien acheter, se qui évite les erreurs et, dans le même temps, la plaisir d’acquérir des BD dans sa collection. Cette double économie n’étant souhaitée ouvertement par personne, que faut-il faire?
J’ai bien une idée mais…comment dire, elle est…américaine! Oui, je sais, vous me direz : quoi? comment? Une honte, s’inspirer du pays qui a généré les pires déviances de la collectionnite aigüe?!
Justement, répondrai-je. Ils ont fait le tour des possibilités de ce que cela peut avoir de plus pathologique, et ont inventé des systèmes pour que le marché soit huilé comme un plat très huilé. Dans ce système assez extrème, le moins schizophrénique est le mode de cotation. Comme on pouvait s’en douter, la BD la plus chère du monde est américaine. Il s’agit d’Action comics n°1 qui cote 580 000 $.
Oui mais cette cote n’est pas donnée pour un état flou comme celui que le BDM appelle bon état dans son introduction. Le collectionneur-spéculateur-milliardaire américain serait bien enquiquiné de devoir faire appel aux divinités (autres que le dollar) pour déterminer de la valeur de son Action comics n°1 gem mint (=super-neuf) alors que sa cote serait donnée pour un bon état sans plus…
Ils ont donc décidé de partir de cet état stupéfiant. Ainsi, un même album (ici Amazing fantasy #15, avec la première apparition de Spider-man) peut coter 72 000 $ en état near mint (9,4/10), 12 000 $ en état fine (6,5/10), et 3 000 $ en état good (2/10), chaque palierétant déterminé selon des critères très précis (plus de 20 paliers en tout, réunis sous la banière de 8 grandes familles d’état).
Cela laisse assez peu de place à l’à peu près et, surtout, cela donne une place à chaque album, quel que soit son état. La majorité des collectionneurs seront ainsi attirés par le very fine/near mint qui correspond à notre très très bon état, mais d’autres visent plutôt le very good (notre bon état) ou le fine (bon état +), ce qui leur permet d’atteindre, à des prix parfois élevés mais accessibles, des comics parmis les plus rares.
Je pense donc pour conclure que le BDM, fort de 30 ans de règne incontesté et de service rendu, devrait entamer les dures transformations nécessaires :
1) ne coter que les ouvrages qu’ils connaissent (cela en fait déjà un nombre considérable), quitte à indiquer devant les albums qu’ils connaissent mal qu’ils n’en précisent pas de cote. D’autres se chargerons certainement, et avec passion, de mettre un chiffre devant les ouvrages underground, les mangas, les fanzines et bon nombre d’albums des années fin 70 à nos jours…
2) envisager de copier les américains (1 fois de plusse ou de moinsse) qui ont choisi un système plus précis de cotation, qui épargne les rafistolages auquel on assiste de plus en plus dans le BDM…
3) essayer de moins devancer les tendances (en s’éloignant ce coup-là du modèle US) car cela amène à de drôles de vagues de spéculation, artificielles et d’une durée de vie bien souvent très courte…
Ouf ! On ne m’y reprendra pas à faire un dossier pareil…Je sens que je vais plutôt refaire un bon vieux quiz des phrases subtiles entendues en boutique BD…
Bdm et cotes : l’Oeuf ou la poule ? (3 sur 3)
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