Lorsqu’on tient une librairie de bandes dessinées de collection, il arrive fréquemment que l’on soit touché par un album arrivé entre nos mains, soit parce qu’il est rare, soit parce qu’il est dans un état exceptionnel, soit les deux, soit tout simplement parce qu’ils fait partie de nos « madeleines », lues dans la jeunesse (ou désirées dans la jeunesse).
Il arrive également que l’on ait un frisson de jubilation et une fierté lorsqu’on a entre les mains un album mythique, fondateur.
Ce fut le cas il y a peu lorsque j’ai fait l’acquisition de la seconde édition de Mr Vieux bois, le second album du père fondateur de la bande dessinée, le suisse Rodolphe Töpffer (créé en 1927 et publié en 1937).
Cette édition de 1839, aux cahiers imprimés de son vivant, est fidèle à l’originale, nous jouissons donc à sa lecture telle qu' »autographiée » par la maître, les éditions suivantes ayant été redessinées soit par un obscur contrefaiseur en france dans la collection des Jabots ou par son fils à partir de 1860 (avec plus de fidélité).
Cet album est donc le premier dessiné par Töpffer (avec l’ Histoire de Mr Crépin). A sa lecture on est sidéré par la grande modernité du procédé narratif, l’humour récurent très théâtral et la diversité des ellipses.
Son héros est ridicule à bien des moments, mais jamais autant que ses adversaires, et ses mésaventures le malmènent, mais jamais autant qu’elles malmènent…les moines (la case de gauche de la planche 35 : « Pendant que l’objet aimé se sèche au soleil, Mr Vieux Bois noie un petit moine »).
On peut trouver l’intégralité (nettement moins bien dessinée) de la version Aubert sur gutenberg.ca, dont cette petite scène improbable et gratuite.
En bref, il est fort émouvant pour un libraire comme moi de lire un récit aussi important dans sa version originale (malgré un recartonnage plus tardif) et de le présenter en boutique (et sur le site : les amours de mr Vieux Bois 1939).